Le gouvernement actuel prépare une importante réforme de la gouvernance scolaire québécoise. Entre autres changements, il projette d’abolir les élections scolaires pour remplacer les élus par des conseils formés de représentants nommés par le ministre lui-même, comme c’est maintenant le cas dans le domaine de la santé.
Mais quel est le rôle de ces commissaires, exactement? Que gagne-on à les faire disparaître?
L’un des plus importants mandats des commissaires est de s’assurer que tous les élèves demeurent au centre des décisions. Puisqu’ils sont choisis par la population, c’est à cette dernière que les commissaires sont redevables de leurs décisions. Lors des élections scolaires de novembre 2014, 617 commissaires et 60 présidents ont été élus au suffrage universel. 81,2 % d’entre eux avaient déjà siégé à un conseil d’établissement ou à un autre organisme où siègent des parents, selon une étude effectuée par la Fédération des Commissions scolaires du Québec. Cette même étude démontre que les élus sont représentatifs de la population en général et occupent des emplois très variés. Dans ce contexte, on peut se demander si la nomination directe par le ministre peut assurer une telle représentation.
Il existe un lien étroit entre les élèves, leurs parents, les écoles et les commissaires. Ce lien favorise une collaboration permanente, faite de consultations et de rencontres entre les commissaires et les électeurs. Ainsi, les commissaires sont les mieux placés pour prendre les meilleures décisions en ce qui a trait aux services éducatifs et à la répartition des ressources financières et professionnelles axées sur les besoins réels des élèves.
Par ailleurs, l’abolition de la démocratie scolaire sonne le glas de la décentralisation. Les élus locaux comprennent bien les enjeux propres à leur région et s’assurent de bien répondre aux besoins et exigences de leur population. Comment pouvons-nous être sûrs que des personnes nommées par Québec et redevables au ministre seront assez bien informées sur les enjeux locaux pour prioriser leur région en dépit des instructions du ministre? En l’absence de commissaires élus, toutes les décisions risquent d’être prises par des fonctionnaires qui auraient pour mission de répondre aux intérêts provinciaux.
De plus, tous les élèves d’un même territoire doivent avoir accès aux mêmes services et surtout, à la même qualité de service, quelle que soit la richesse du milieu où se situe leur école d’appartenance. C’est le rôle des élus de répartir équitablement les ressources entre tous les établissements d’enseignement. Les décisions en ce domaine sont prises en tenant compte des besoins de chaque élève. Seule une institution formée de représentants élus est capable de faire une analyse aussi précise de la clientèle scolaire et de répondre adéquatement à ses besoins.
La décision de bannir les élus scolaires est-elle vraiment une solution? Le gouvernement peut-il garantir qu’en tout temps, les priorités régionales seront respectées? Qui, mieux que les contribuables et surtout, les parents, peuvent comprendre les enjeux scolaires qui les touchent directement?
L’absence de réponse à ces questions est inquiétante. Des changements aussi importants que l’abolition de la démocratie scolaire ne devraient pas être pris à la légère. Une étude sérieuse des impacts sur les élèves ainsi qu’une consultation publique s’imposent.
Johanne Légaré, présidente
Commission scolaire des Portages-de-l’Outaouais